Néanmoins, le sujet de la traduction des citations et des transcriptions des interventions orales est resté relativement en marge de cette discussion. Une citation mise entre guillemets ou une transcription d’un discours sont moins propices à être remises en question, même si elles sont traduites d’une autre langue. Cependant, parfois une manipulation subtile des citations par la traduction permet de changer la perception de la nouvelle. Ainsi fut le cas du commentaire sur l’annexion de la Crimée en 2014 de la chancelière allemande, Angela Merkel, censuré par le service de presse du Kremlin et la chaine publique de télévision, Rossia. Lors de la conférence de presse conjointe que Merkel a donnée avec Poutine lors de sa visite à Moscou le 10 mai 2015, la politicienne allemande a abordé, entre autres choses, l'annexion de la Crimée par la Russie. Sur le site de la Chancellerie fédérale d'Allemagne on trouve le texte suivant :
La chancelière a donc décrit l’annexion de la Crimée —un terme tabouisé en Russie où on préfère parler d’« adhésion » plutôt que d’« annexion »— comme “verbrecherische”, c’est à dire criminelle. Néanmoins, cet adjectif n’apparaît pas dans la traduction russe proposée comme transcription de cette conférence de presse sur le site du service de presse du Kremlin :
Le gouvernement russe essaye de présenter l’annexion de la Crimée comme récupération de la terre sacré russe. Par conséquent, la définition de cette adhésion comme "criminelle" a été considérée comme excessivement abrupte et a disparu à la fois de la transcription du Kremlin et de la vidéo qui résumait les propos de cette conférence de presse sur la chaîne de télévision publique, Rossia. Mais cela serait resté dans l’ombre, créant une image erronée de la position de l'Allemagne à propos des actions du gouvernement russe actuel, sans l’'économiste Andrei Illarionov, qui a remarqué cet omission dans la traduction et l’a décrite dans son blog. Cette observation a ensuite été propagée par Medialeaks, Novoe vremia, Echo Moskvy, Forbes, etc. La guilde des traducteurs, elle non plus, n’était pas restée indifférente à la discussion. Dans ce sens, j’ai trouvé très curieux le post de livejournal dont l'auteur a lancé une discussion sur l’éthique du traducteur en se demandant si ce qu’a fait le traducteur du service de presse du Kremlin n’était pas le plus approprié pour « réduire la tension » dans une situation de relations internationales tellement compliqué .Cette interprétation m'a surprise, puisque je le voyais plutôt comme un acte de (auto)censure qui contredit l'obligation du traducteur de transmettre fidèlement le texte sans déformer les propos de l'auteur. Qu’est-ce que vous en pensez ?
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Auteur du blogTraductrice et linguiste intriguée par les casse-têtes et les révélations de la traduction et du langage
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